Deux reportages réalisés à Arcueil, Bagneux, Gentilly et Paris
Emission Culture locale présentée par Sylvie
Diffusée le lundi 8 février 2010 à 19 heures
Rencontre avec Nicolas Roméas et le groupe Noun Ya. Nicolas Roméas, directeur de la revue Cassandre/Horschamp, revient sur son intervention dans le débat sur le théâtre et la résistance, organisé à Bagneux lors du dernier Festival Auteurs en acte. Nous écouterons quelques extraits dans ce premier reportage. Noun Ya est le nom d’un duo de musiciens compositeurs et voyageurs, qui communique ses créations originales, “notes étrangement mêlées”, sur les scènes du monde entier. Invités par Anis Gras, le lieu de l’autre, Naïssam Jalal et Yann Pittard ont joué des extraits de leur dernier album, aux résistances.
A écouter : Culture locale-première partie-Notre société resiste-t-elle à l’humain ?
Cette émission n’est plus en archive.
Entretien avec Nicolas Roméas (première partie)
Otoradio : Notre Société résiste t-elle à l’humain ?
Nicolas Roméas : Le monde dispersé de l’art et de la culture essaie de remettre en circulation de la respiration, du dialogue, c’est tout le contraire de la résistance.
Par exemple, au théâtre, le travail effectué par Emmanuel Genvrin avec le théâtre Vollard, à l’île de la Réunion. Il s’agit pour moi ici d’un vrai outil de société qui ne sert pas uniquement à regarder des images défiler devant soi. Lorsqu’ une salle est remplie de personnes d’origines diverses qui composent l’ile de la Réunion et où toutes ces personnes regardent et écoutent ensemble une histoire racontant l’abolition de l’esclavage ou les premiers syndicats, des événements constituant leur histoire commune et qui les ont amenées à être là aujourd’hui, et bien cela produit quelque chose de fort.
L’ultralibéralisme comme frein au développement du dialogue culturel
Le monde de l’art œuvre à faire avancer, à remettre en circulation de l’échange, du dialogue. Mais il y a une société qui résiste à la construction de l’Humain.
Tous les jours, on parle, on dialogue. On développe des idées, notre perception du monde. Le but étant de s’ouvrir, se faire grandir.
La culture est la continuation de l’apprentissage que l’on a quand on est enfant, permettant d’acquérir le langage, puis peut-être, d’autres outils symboliques comme l’art. Mais l’ultralibéralisme ne veut pas de la construction de l’humain. Il tend à réduire l’humain, en faire un robot, une machine apte à travailler de façon extrêmement réduite, sans aucune imagination, sans aucune «folie,» sans aucune part de créativité personnelle. Les artistes sont mis dans une case bien précise : «vous faites ça et pas autre chose!»
La construction de l’Humain c’est notre histoire, elle consiste à développer de la générosité, des idées nouvelles et des rencontres.
Otoradio : Alors, vous avez fait référence, pendant le débat, à « l’appel des appels »?
Nicolas Roméas : « L’appel des appels », c’est la construction de l’Humain, qui se tisse à plusieurs comme sur un métier à tisser, où des fils différents sont nécessaires pour que cette grande tapisserie de l’Humain se crée. Elle comporte la justice, le soin médical, le soin psychiatrique et l’éducation.
C’est la prise de conscience de ce qui est au cœur du travail de toutes ces professions, c’est-à-dire, la relation humaine et menace d’être détruit.
Si, par exemple, vous êtes magistrat ou avocat, et que vous n’exercez plus que pour le « fric », vous vous détruisez. Vous n’êtes plus là pour aider quelqu’un qui a fait une erreur, à comprendre son erreur. Et, c’est la même chose dans tous les domaines.
Il y a donc deux visions de l’être humain, globalement deux modes de civilisation, un peu comme en science fiction. Deux caractéristiques extrêmement fortes et centrales.
La première civilisation est celle qui croit aux symboles, à des choses qui ne se mesurent pas, qui se ressentent, se comprennent, qui ont du sens (qu’on ne peut parfois ni dire ni mesurer forcément).
La seconde civilisation, Je ne sais pas si elle mérite le nom de civilisation! Celle qui détruit cette capacité de l’être humain à l’émotion. Cette civilisation du chiffre qui est en train d’imposer une mesure quantitative de choses qui ne peuvent pas exister dans la quantité.
C’est à cela que résiste « l’appel des appels ».
Enfin, il y a des choses qui, par nature, ne peuvent pas se caler sur une grille de références.
Moi, je ne suis pas croyant, je n’ai pas de religion particulière. Mais, si vous essayez de mesurer se qu’il se passe dans une église lorsque les gens chantent entre eux, vous ne comprendrez jamais ce qu’il se passe: ça ne se mesure pas, ça se ressent.
Au fond, toutes ces professions qui ont à voir de façon claire avec la relation humaine (Éducation, Soin, Justice) en réalité, fonctionnent avec le symbole : vous ne vous contentez pas seulement des informations, vous donnez aussi l’envie aux gens, vous donnez de l’énergie aux gens pour qu’ils se mettent en route vers quelque chose. En bref, qu’ils agissent, que quelque chose s’éveille en eux.
Aucun chiffre ne peut faire cela.
C’est cela que « l’appel des appels » essaie de faire. De regrouper tous ces gens qui savent que le cœur de leurs actions, c’est la relation humaine.
La revue Cassandre/Horschamp à découvrir sur : http://www.horschamp.org/ et signer “l’appel des appels” (Mise à jour 14/06/23 : site non accessible)
Transcription de l’entretien : Rita Mamboundou
Propos recueillis par Sylvie
Suite de l’entretien dans : Notre société résiste-t-elle à l’humain ? (2ème partie)
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